mercredi, 17 août 2011
UN JOUR D'ETE (Maurice FOMBEURE)
Le tonnelier tonnèle,
Le bourrelier bourrèle,
Le soleil interpelle,
Frappe un bouclier d'or,
Flambe au pennon des aigles
A la cime des ifs,
Fait virer sur les murs
L'ombre bleue des centaures,
Du lézard engourdi
-Cendre et cadran solaire -
Palpitant d'émeraude
De bronze reverdi.
Sur la rivière glisse
Le chant lourd des rameurs,
La douce soie des cuisses
O nymphes du terroir !
Jusqu'au soir solitude
A l'horizon changeant,
Déclin que nul n'élude,
Gendarmerie d'argent.
La belle des jardins :
Sur ses blanches épaules
S'est égaré soudain
Le souffle frais des saules.
Voici les voix du songe
Apaisées, incertaines,
Quand les bruits de la rue
Coulent dans les fontaines.
dimanche, 07 août 2011
LE REVE DU JAGUAR (Charles Marie LECONTE DE LISLE (1818-1894)
Né à Saint-Paul de la Réunion et élevé avec rudesse par un père de souche bretonne, Leconte de Lisle parcourt l'Inde et les Iles de la Sonde pendant son adolescence. Mais il préfère l'étude au commerce que son père veut lui imposer. Il s'établit à Rennes pour étudier le grec et l'histoire.
Après être retourné dans son île natale, il se fixe à Paris où, acquis aux idées républicaines, il collabore à diverses revues fouriéristes dans lesquelles il fait paraître ses premiers poèmes.
Sa famille lui coupe les vivres à la suite d'un article dans lequel il applaudissait à la suppression de l'esclavage dans les colonies.
Abandonnant la politique sous le Second Empire, il vit médiocrement de sa plume. Il entreprend de traduire les chefs-d'oeuvre de la poésie grecque et latine.
La parution de ses poèmes fait de lui le chef de file d'une nouvelle génération de poètes, le Parnasse.
Nommé, après la Commune, sous-bibliothécaire au Sénat, il est élu à l'Académie française au fauteuil de Victor Hugo. Il meurt en 1894.
LE REVE DU JAGUAR
Sous les noirs acajous, les lianes en fleurs,
Dans l'air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent, et s'enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L'araignée au dos jaune et les singes farouches.
C'est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
Le long des vieux troncs morts à l'écorce moussue,
Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
Il va, frottant ses reins musculeux qu'il bossue ;
Et du mufle béant par la soif alourdi,
Un souffle rauque et bref, d'une brusque secousse,
Trouble les grands lézards, chauds des feux de midi,
Dont la fuite étincelle à travers l'herbe rousse.
En un creux de bois sombre interdit au soleil
Il s'affaise, allongé sur quelque roche plate ;
D'un large coup de langue il se lustre la patte ;
Il cligne ses yeux d'or hébétés de sommeil ;
Et, dans l'illusion de ses forces inertes,
Faisant mouvoir sa queue et frisonner ses flancs,
Il rêve qu'au milieu des plantations vertes,
Il enfonce d'un bond ses ongles ruisselants
Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.
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dimanche, 31 juillet 2011
EXTRAIT d'un POEME de Marc Antoine de St Amant
L'abeille, pour boire des pleurs,
Sort de sa ruche aimée,
Et va sucer l'âme des fleurs
Dont la plaine est semée ;
Puis de cet aliment du ciel
Elle fait la cire et le miel.
En photo, une abeille sur mes coronilles.
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vendredi, 15 juillet 2011
CONSEILS AU BON VOYAGEUR (VICTOR SEGALEN 1878-1912)
Ville au bout de la route et route prolongeant la ville : ne choisis donc pas l'une ou l'autre, mais l'une et l'autre bien alternées.
Montagne encerclant ton regard le rabat et le contient que la plaine ronde libère.
Aime à sauter roches et marches ; mais caresse les dalles où le pied pose bien à plat.
Repose-toi du son dans le silence et, du silence, daigne revenir au son.
Seul si tu peux, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule.
Garde bien d'élire un asile.
Ne crois pas à la vertu d'une vertu durable ; romps-la de quelque forte épice qui brûle et morde et donne un goût même à la fadeur.
Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable, sans mérites, ni peines, tu parviendras, non point, ami, au marais des joies immortelles,
Mais aux remous pleins d'ivresses du grand fleuve Diversité.
Né à BREST le 14 janvier 1878, médecin de la marine, Victor SEGALEN fit paraître le Recueil "STELES" en 1912, dont ce poème qui se trouve dans la section STELES DU BORD DU CHEMIN.
http://www.scribd.com/doc/2324485/Steles
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jeudi, 09 juin 2011
MELLIN DE SAINT GELAIS
Mellin de Saint Gelais, poète français de la Renaissance, et en même temps médecin, astrologue et musicien, est né à Angoulème vers 1491. Il est décédé à Paris en 1558.
Voici un de ses Sonnets.
Il n'est point tant de barques à Venise,
D'huitres à Bourg, de lièvres en Champagne,
D'ours en Savoie et de veaux en Bretagne,
De cygnes blancs le long de la Tamise ;
Ni tant d'amour se traitant en l'église,
Ni différends aux peuples d'Allemagne,
Ni tant de gloire à un seigneur d'Espagne,
Ni tant se trouve à la cour de feintise ;
Ni tant y a de monstres en l'Afrique,
D'opinions en une République,
Ni de pardons à Rome un jour de fête ;
Ni d'avarice aux hommes de pratique,
Ni d'arguments en une Sorbonnique,
Que m'amie a de lunes en la tête.
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samedi, 19 mars 2011
Paul ELUARD "L'amour, la poésie" (1929)
Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l'oeil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent.
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vendredi, 11 mars 2011
MEDITATION (Paul GERALDY)
On aime d'abord par hasard,
Par jeu, par curiosité,
Pour avoir dans un regard
Lu des possibilités.
Et puis comme au fond soi-même
on s'aime beaucoup,
Si quelqu'un vous aime, on l'aime
Par conformité de goût.
On se rend grâce, on s'invite
A partager ses moindres maux.
On prend l'habitude, vite,
D'échanger de petits mots
Quand on a longtemps dit les mêmes
On les redit sans y penser.
Et alors, mon Dieu, l'on aime
Parce qu'on a commencé.
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mercredi, 02 février 2011
VILLE
Du fond des brumes
Là-bas avec tous ses étages
Et ses grands escaliers, et leurs voyages
Jusques au ciel, vers de plus hauts étages
Comme d'un rêve, elle s'exhume (...)
La ville au loin s'étale et domine la plaine
Comme un nocturne et colossal espoir.
(Emile Verhaeren, Les Campagnes hallucinées).
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vendredi, 21 janvier 2011
PARIS AT NIGHT
Trois allumettes une à une allumées dans la nuit
La première pour voir ton corps tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La dernière pour voir ta bouche
Et l'obscurité toute entière pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras.
Jacques PREVERT
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jeudi, 20 janvier 2011
ECRIS-MOIS
Ecris-moi, je le veux. Ce commerce enchanteur,
Aimable épanchement de l'esprit et du coeur,
Cet art de converser sans se voir, sans s'entendre,
Ce muet entretien si charmant et si tendre,
L'art d'écrire, Abeilard, fut sans doute inventé
Par l'amante captive et l'amant agité.
(C. P. COLARDEAU, Epître d'Héloise à Abeilard)
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