vendredi, 19 novembre 2010
UN CIEL RIANT ET PUR
Je veux un ciel riant et pur
Réfléchi par un lac limpide,
Je veux un beau soleil qui luise dans l'azur,
Sans que jamais brouillard, vapeur, nuage obscur
Ne voilent son orbe splendide ;
Et pour bondir sous moi, je veux un cheval blanc,
Enfant léger de l'Arabie,
A la crinière longue, à l'oeil étincelant,
Et, comme l'hippogriffe, en une heure volant
De la Norvège à la Nubie.
Je veux un kiosque rouge, aux minarets dorés,
Aux minces colonnes d'albâtre,
Aux fantasques arceaux, d'oeufs pendants décorés,
Aux murs de mosaïque, aux vitraux colorés
Par où se glisse un jour bleuâtre ;
Et quand il fera chaud, je veux un bois mouvant
De sycomores et d'yeuses,
Qui me suive partout au souffle d'un doux vent,
Comme un grand éventail sans cesse soulevant
Ses masses de feuilles soyeuses.
Je veux une tartane avec ses matelots,
Ses cordages, ses blanches voiles
Et son corset de cuivre où se brisent les flots,
Qui me berce le long de verdoyants îlots
Aux molles lueurs des étoiles.
(Théophile GAUTIER)
17:30 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : poésie, livre, littérature, écriture, société
dimanche, 17 octobre 2010
VA-T'EN ME DIT LA BISE...
Va-t'en, me dit la bise,
C'est mon tour de chanter,
Et, tremblante, surprise,
N'osant pas résister,
Fort décontenancée
Devant un Quos ego,
Ma chanson est chassée
Par cette virago.
Pluie. On me congédie
Partout, sur tous les tons.
Fin de la comédie.
Hirondelles, partons.
Grêle et vent. La ramée
Tord ses bras rabougris ;
Là-bas fuit la fumée,
Blanche sur le ciel gris.
Une pâle dorure
Jaunit les coteaux froids.
Le trou de ma serrure
Me souffle sur les doigts.
(Victor Hugo)
21:45 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : culture, poésie, poèmes, écriture, société
mardi, 17 août 2010
UN JOUR MON BEAU SOLEIL
Un jour mon beau Soleil mirait sa tresse blonde
Aux rais du grand Soleil qui n'a point de pareil ;
Le grand Soleil aussi mirait son teint vermeil
Au rai de mon Soleil que nul rais ne seconde.
Mon Soleil au Soleil était Soleil et onde
Le grand Soleil était son onde et son Soleil ;
Le Soleil se disait le Soleil non pareil,
Mon Soleil se disait le seul Soleil du monde.
Soleils ardents, laissez ces bruits contentieux ;
L'un est Soleil en terre et l'autre luit aux Cieux ;
L'un est Soleil des corps, l'autre Soleil de l'âme.
Mais si vous débattez, Soleils, qui de vous deux
Est Soleil plus luisant et plus puissant de feux,
Soleil, tes jours sont nuits comparés à ma Dame.
(Abraham de VERMEIL - 1555-1620)
Originaire de BUGEY, Abraham de VERMEIL fut un poète protégé par Henri IV, pour lequel il s'était battu pendant les guerres civiles. Poète apprécié en son époque, il écrivit une Histoire de Saint Louis, aujourd'hui perdue, et de nombreux sonnets d'inspiration "pétrarquiste".
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jeudi, 12 août 2010
MON AME
Mon âme est une infante en robe de parade,
Dont l'exil se reflète, éternel et royal,
Aux grands miroirs déserts d'un vieil Escurial,
Ainsi qu'une galère oubliée en la rade.
Albert SAMAIN, Au Jardin de l'infante
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mercredi, 14 juillet 2010
ERRANCE (Arthur RIMBAUD)
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
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lundi, 21 juin 2010
ICI-BAS (Sully Prud'homme)
Ici-bas tous les lilas meurent,
Tous les chants des oiseaux sont courts,
Je rêve aux étés qui demeurent
Toujours...
Ici-bas les lèvres effleurent,
Sans rien laisser voir de leur velours,
Je rêve aux baisers qui demeurent
Toujours...
Ici-bas tous les hommes pleurent,
Leurs amitiés et leurs amours,
Je rêve aux couples qui demeurent
Toujours...
10:33 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : poésie, culture, littérature, livres
lundi, 07 juin 2010
SI VOUS AIMEZ...
Longtemps, longtemps que mon coeur soit rempli de tels souvenirs
Comme le vase dans lequel, jadis, furent distillées des roses,
Brisez ce vase, réduisez-le en éclats, si vous aimez ;
Longtemps encore persistera le parfum des roses.
(Thomas MOORE)
22:42 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : culture, poésie, poèmes, poètes, livres, littérature
mardi, 16 mars 2010
Christine de PISAN, Cent Ballades
Seulette suis et seulette veut être.
Seulette m'a mon doux ami laissée,
Seulette suis, dolente et affligée,
Seulette suis en langueur malheureuse,
Seulette suis plus que nulle perdue,
Seulette suis sans ami demeurée.
22:37 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : poésie, poème, livre, poète, culture
mardi, 02 février 2010
PERNETTE DU GUILLET (1520-1545)
Non que je veuille ôter la liberté
A qui est né pour être sur moi maître ;
Non que je veuille abuser de fierté
Qui à lui humble et à tous je devrais être ;
Non que je veuille à dextre et à senestre
Le gouverner et faire à mon plaisir :
Mais je voudrais pour nos deux coeurs repaître
Que son vouloir fût joint à mon désir.
22:23 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : poèmes, poètes, poésie, culture, écriture
jeudi, 21 janvier 2010
LE GRILLON
Un pauvre petit grillon
Caché dans l'herbe fleurie,
Regardait un papillon
Voltigeant dans la prairie.
L'insecte aillé brillait des plus vives couleurs ;
L'azur, la pourpre et l'or éclataient sur ses ailes ;
Jeune, beau, petit maître, il court de fleurs en fleurs
Prenant et quittant les plus belles.
Ah ! disait le grillon, que son sort et le mien
Sont différents ! Dame nature
Pour lui fit tout, et pour moi rien.
Je n'ai point de talent encor moins de figure,
Nul ne prend garde à moi, l'on m'ignore ici bas :
Autant vaudrait n'exister pas.
Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d'enfants :
Aussitôt les voilà courants
Après ce papillon dont ils ont tous envie.
Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l'attraper :
L'insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.
L'un le saisit par l'aile, un autre par le corps ;
Un troisième survient, et le prend par la tête :
Il ne fallait pas tant d'efforts
Pour déchirer la pauvre bête.
Oh ! Oh ! dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux, vivons cachés.
(JEAN PIERRE CLARIS de FLORIAN (1755-1794)
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