mardi, 09 juillet 2019
Victor HUGO ( A André CHENIER - Les Contemplations)
Oui, mon vers croit pouvoir, sans se mésallier,
Prendre à la prose un peu de son air familier.
André, c’est vrai, je ris quelquefois sur la lyre.
Voici pourquoi. Tout jeune encor, tâchant de lire
Dans le livre effrayant des forêts et des eaux,
J’habitais un parc sombre où jasaient des oiseaux,
Où des pleurs souriaient dans l’œil bleu des pervenches ;
Un jour que je songeais seul au milieu des branches,
Un bouvreuil qui faisait le feuilleton du bois
M’a dit : — Il faut marcher à terre quelquefois.
La nature est un peu moqueuse autour des hommes ;
Ô poëte, tes chants, ou ce qu’ainsi tu nommes,
Lui ressembleraient mieux si tu les dégonflais.
Les bois ont des soupirs, mais ils ont des sifflets.
L’azur luit, quand parfois la gaîté le déchire ;
L’Olympe reste grand en éclatant de rire ;
Ne crois pas que l’esprit du poëte descend
Lorsque entre deux grands vers un mot passe en dansant.
Ce n’est pas un pleureur que le vent en démence ;
Le flot profond n’est pas un chanteur de romance ;
Et la nature, au fond des siècles et des nuits,
Accouplant Rabelais à Dante plein d’ennuis,
Et l’Ugolin sinistre au Grandgousier difforme,
Près de l’immense deuil montre le rire énorme.
-
- Les Roches, juillet 1830.
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mercredi, 26 juin 2019
LA SALLE A MANGER (Francis JAMMES 1868-1938)
Il y a une armoire à peine luisante
qui a entendu les voix de mes grand-tantes
qui a entendu la voix de mon grand-père,
qui a entendu la voix de mon père.
À ces souvenirs l’armoire est fidèle.
On a tort de croire qu’elle ne sait que se taire,
car je cause avec elle.
Il y a aussi un coucou en bois.
Je ne sais pourquoi il n’a plus de voix.
Je ne peux pas le lui demander.
Peut-être bien qu’elle est cassée,
la voix qui était dans son ressort,
tout bonnement comme celle des morts.
Il y a aussi un vieux buffet
qui sent la cire, la confiture,
la viande, le pain et les poires mûres.
C’est un serviteur fidèle qui sait
qu’il ne doit rien nous voler.
Il est venu chez moi bien des hommes et des femmes
qui n’ont pas cru à ces petites âmes.
Et je souris que l’on me pense seul vivant
quand un visiteur me dit en entrant :
- comment allez-vous, monsieur Jammes ?
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dimanche, 09 juin 2019
Paul VERLAINE : LES INGENUS
Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
En sorte que, selon le terrain et le vent,
Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent
Interceptés ! – et nous aimions ce jeu de dupes.
Parfois aussi le dard d’un insecte jaloux
Inquiétait le col des belles sous les branches,
Et c’était des éclairs soudains de nuques blanches,
Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous.
Le soir tombait, un soir équivoque d’automne :
Les belles, se Pendant rêveuses à nos bras,
Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,
Que notre âme depuis ce temps tremble et s’étonne.
jeudi, 09 mai 2019
LE THE (Théodore de BANVILLE (1823-1891)
Miss Hellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise,
Où des poissons d'or cherchent noise
Au monstre rose épouvanté.
J'aime la folle cruauté
Des chimères qu'on apprivoise :
Miss Hellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise.
Là sous un ciel rouge irrité,
Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise
L'extase et la naïveté ;
Miss Hellen, versez-moi le Thé.
(Théodore de Banville est né à Moulins. Venu à Paris à l'âge de 7 ans, ce fils d'aristocrates républicains refusant l'ordre bourgeois, cette "apothéose de l'épicerie", affirme très tôt son engouement pour la poésie. Il imite les genres poétiques moyenâgeux, écrit des pièces de théâtre en vers. Sur la fin de sa vie, la prose l'emporte sur la poésie).
mercredi, 20 février 2019
LE PARESSEUX (Marc-Antoine de SAINT-AMANT)
Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.
Là, sans me soucier des guerres d'Italie,
Du comte Palatin, ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.
Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,
Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s'en enfler ma bedaine,
Et hais tant le travail, que, les yeux entr'ouverts,
Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
Ai-je pu me résoudre à t'écrire ces vers.
http://www.unjourunpoeme.fr/auteurs/saint-amant-marc-anto...
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mercredi, 09 janvier 2019
NUIT BLANCHE (Albert SAMAIN - Au Jardin de l'Infante)
Cette nuit, tu prendras soin que dans chaque vase
Frisonne, humide encore, une gerbe de fleurs.
Nul flambeau dans la chambre - où tes chères pâleurs
Se noieront comme un rêve en des vapeurs de gaze.
Pour respirer tous nos bonheurs avec emphase,
Sur le piano triste, où trembleront des pleurs,
Tes mains feront chanter d'angéliques douleurs
Et je t'écouterai, silencieux d'extase.
Tels nous nous aimons, sévères et muets.
Seul, un baiser parfois sur tes ongles fluets
Sera la goutte d'eau qui déborde des urnes.
Oh soeur ! et dans le ciel de notre pureté
Le virginal Désir des amours taciturnes
Montera lentement comme un astre argenté,
Ton souvenir est comme un livre bien aimé,
Qu'on lit sans cesse, et qui jamais n'est refermé,
Un livre où l'on vit mieux sa vie, et qui vous hante
D'un rêve nostalgique, où l'âme se tourmente.
Je voudrais, convoitant l'impossible en mes voeux,
Enfermer dans un vers l'odeur de tes cheveux ;
Ciseler avec l'art patient des orfèvres
Une phrase infléchie au contour de tes lèvres ;
Emprisonner ce trouble et ces ondes d'émoi
Qu'en tombant de ton âme, un mot propage en moi ;
Dire quelle mer chante en vagues d'élégie
Au golfe de tes seins où je me réfugie ;
Dire, oh surtout ! tes yeux doux et tièdes parfois
Comme une après-midi d'automne dans les bois ;
De l'heure la plus chère enchâsser la relique,
Et, sur le piano, tel soir mélancolique,
Ressusciter l'écho presque religieux
D'un ancien baiser attardé sur tes yeux.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Samain
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samedi, 17 novembre 2018
Serge REGGIANI récite BAUDELAIRE
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mercredi, 17 octobre 2018
PETITES FLEURS
Des petites fleurs
Qui font du bien
Dans le jardin
Avant la pluie
Que l'on regarde
Après la pluie
Pour se faire du bien.
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dimanche, 23 septembre 2018
Paul GERALDY : TRISTESSE (extrait du livre TOI ET MOI)
Ton Passé !... Car tu as un Passé, toi aussi !
Un grand Passé, plein de bonheurs et plein de peines.
Dire que cette tête est pleine
De vieilles joies, de vieux soucis,
D'ombres immenses ou petites,
De mille visions où je ne suis pour rien !
Redis-les-moi toutes ces choses cent fois dites.
Tes souvenirs, je ne les sais pas encor bien.
Ah ! derrière tes yeux, cette nuit, ce mystère !
Ainsi c'est vrai qu'il fut un temps où quelque part
Tu gambadais dans la lumière
Avec de longs cheveux épars,
Comme sur ces photographies !
Raconte-moi. C'est vrai ? C'est vrai ?
Tu fus pareille à ce portrait
Où tu n'es même pas jolie ?
Explique. En ce temps-là, qu'est-ce que tu faisais ?
Qu'est-ce que tu pensais ? Qu'est-ce que tu disais ?
Que se passait-il dans ta vie ?
Ce grand jardin a existé, qu'on aperçoit ?
De quel côté était la grille ?
Es-tu sûre que ce soit toi
Cette affreuse petite fille ?
Ce chapeau démodé, ce chapeau d'autrefois,
Fut ton chapeau ? Tu es bien sûre ?
Et toutes ces vieilles figures,
Ce sont les gens qui te connurent
Avant moi ?
C'est à ces gens que tu dois ton premier voyage,
Ta première nuit dans un train,
Ta première forêt, et ta première plage ?
C'est eux qui t'ont donné la main,
Et qui t'ont prêté leur épaule,
Et qui t'ont dit : "Regarde là ?..."
Hélas ! pourquoi tous ces gens là
Ne m'ont-ils pas laissé un rôle ?
J'aurais tant aimé t'emporter
Loin, toute seule, et t'inventer
De merveilleux itinéraires !
Je t'aurais révélé les soirs et les étés,
Appris le goût des longues routes solitaires,
Et dit les noms des beaux villages aperçus.
Je t'aurais présenté la Terre.
Je crois que j'aurais très bien su.
Et de tant d'horizons splendides,
De tant de villes, de pays,
Peut être aurait-il rejailli
Un peu de gloire sur le guide...
Ah ! tous ces gens, petit chéri,
Savent-ils bien ce qu'ils m'ont pris ?
C'est fini. L'on n'y peut rien faire.
C'est l'irréparable. Voilà.
Et cependant tous ces gens là
Ont l'air de gens très ordinaires.
Sois certaine qu'entre nous deux,
Si nous sentons aussi souvent des différences,
Ce n'est qu'à cause d'eux, oui, d'eux,
Qui, sous prétexte de vacances,
Te menèrent de-ci, de-là,
Et mirent leur empreinte, avant moi, sur ta vie...
Ne pensons plus à tout cela.
Range-moi ces photographies.
19:25 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : poésie, poète, poème, culture, vers, auteur, livre
samedi, 02 juin 2018
LE BARBIER DE SEVILLE (extrait) Beaumarchais.
Veux-tu, ma Rosinette
Faire emplette
Du roi des maris ?...
Je ne suis pas Tircis ;
Mais, la nuit, dans l'ombre,
Je vaux encore mon prix,
Et quand il fait sombre
Les plus beaux chats sont gris.
16:14 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : culture, littérature, écriture, auteur, livre, écrits, recueil