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dimanche, 21 juillet 2024

SOIRS (Henry Bataille (1872-1922)

Il y a de grands soirs où les villages meurent
Après que les pigeons sont rentrés se coucher.
Ils meurent, doucement, avec le bruit de l'heure
Et le cri bleu des hirondelles au clocher...
Alors, pour les veiller, des lumières s'allument,
Vieilles petites lumières de bonnes soeurs,
Et des lanternes passent, là-bas dans la brume...
Au loin le chemin gris chemine avec douceur...
Les fleurs dans les jardins se sont pelotonnées,
Pour écouter mourir leur village d'antan,
Car elles savent que c'est là qu'elles sont nées...
Puis les lumières s'éteignent, cependant
Que les vieux murs habituels ont rendu l'âme,
Tout doux, tout bonnement, comme de vieilles femmes.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henry_Bataille

HENRY BATAILLE.jpg

 

 

samedi, 15 juin 2024

LUNE ORANGE

On dit quelquefois : "qui se ressemble s'assemble".

J'ai écrit ce poème en pensant à ces couples magiques, bien soudés.

Ne me demandez pas de l'oublier

Sa peau et la mienne sont soeurs

Elles s'attirent, se connaissent par coeur

Nos regards ne peuvent le nier

Tous deux enfants de la lune

Nos pages se tournent une à une

Un jour nous rejoindrons la poussière

D'une lune orange et claire.

lune orange.jpg

 

 

mardi, 12 décembre 2023

LA COUSINE (Gérard de Nerval)

L'hiver a ses plaisirs ; et souvent, le dimanche,
Quand un peu de soleil jaunit la terre blanche,
Avec une cousine on sort se promener...
- Et ne vous faites pas attendre pour dîner,

Dit la mère. Et quand on a bien, aux Tuileries,
Vu sous les arbres noirs les toilettes fleuries,
La jeune fille a froid... et vous fait observer
Que le brouillard du soir commence à se lever.

Et l'on revient, parlant du beau jour qu'on regrette,
Qui s'est passé si vite... et de flamme discrète :
Et l'on sent en rentrant, avec grand appétit,
Du bas de l'escalier, - le dindon qui rôtit.

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dimanche, 12 novembre 2023

LA ROMANCE DE LA TARTE AUX POMMES (Pierre GAMARRA)

Fleur de farine et pommes douces,
il va neiger,
je pense aux arbres pleins de mousse
au vieux berger.
Graisse légère et sucre blanc,
des étincelles
sautent du feu rouge et tremblant
comme des lèvres de demoiselle.
La neige va couvrir ce soir
les fronts des hommes,
on entend pleurer dans le noir
la tarte aux pommes.
Elle se dore au fond du four
gonflé d’arômes.
Je pense à l’hiver, au ciel lourd
et je pense à la tarte aux pommes.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Gamarra

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lundi, 07 août 2023

MA GRAND-MERE (Pierre-Jean de Béranger - 1780-1857)

Ma grand-mère, un soir à sa fête,
De vin pur ayant bu deux doigts,
Nous disait en branlant la tête :
Que d'amoureux j'eus autrefois !
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !

Quoi ! maman vous n'étiez pas sage !
— Non , vraiment ; et de mes appas
Seule à quinze ans j'appris l'usage,
Car la nuit je ne dormais pas.
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !

Maman, vous aviez le cœur tendre ?
— Oui, si tendre, qu'à dix-sept ans
Lindor ne se fit pas attendre,
Et qu'il n'attendit pas longtemps.
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !

Maman, Lindor savait donc plaire ?
— Oui, seul il me plut quatre mois ;
Mais bientôt j'estimais Valère,
Et fis deux heureux à la fois.
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !

Quoi ! maman ! deux amants ensemble !
— Oui, mais chacun d'eux me trompa.
Plus fine alors qu'il ne vous semble,
J'épousais votre grand-papa.
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !

Maman, que lui dit la famille ?
— Rien ; mais un mari plus sensé
Eût pu connaître à la coquille
Que l'œuf était déjà cassé.
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !

Maman, lui fûtes-vous fidèle ?
— Oh ! sur cela je me tais bien.
A moins qu'à lui Dieu ne m'appelle
Mon confesseur n'en saura rien.
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !

Bien tard, maman vous fûtes veuve
— Oui ; mais, grâce à ma gaîté,
Si l'église n'était plus neuve,
Le saint n'en fut pas moins fêté.
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !

Comme vous, maman, faut il faire ?
— Hé, mes petits enfants, pourquoi,
Quand j'ai fait comme ma grand-mère,
Ne feriez-vous pas comme moi ?
Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite,
Et le temps perdu !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Jean_de_B%C3%A9ranger

 

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jeudi, 09 février 2023

LA PERVENCHE (Alphonse de Lamartine :1790-1869)

Pâle fleur, timide pervenche,

Je sais la place où tu fleuris,
Le gazon où ton front se penche
Pour humecter tes yeux flétris.

C'est dans un sentier qui se cache
Sous ses deux bords de noisetiers,
Où pleut sur l'ombre qu'elle tache
La neige des fleurs d'églantiers.

L'ombre t'y voile, l'herbe égoutte
Les perles de nos nuits d'été,
Le rayon les boit goutte à goutte
Sur ton calice velouté.

Une source tout près palpite,
Où s'abreuve le merle noir,
Il y chante, et moi j'y médite
Souvent de l'aube jusqu'au soir.

Ô fleur, que tu dirais de choses
À mon amour, si tu retiens
Ce que je dis à lèvres closes
Quand tes yeux me peignent les siens !

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mercredi, 19 octobre 2022

FRANCK ET LES AUTRES

Franck a voulu faire le cacou

Il s'est cassé le cou

Jeanne mène une vie bien rangée

Elle inspire la confiance

Rose n'a jamais eu de chance

Elle vit de solidarité

Marc est toujours le premier

A sortir et danser

Nabil chante le soir

Avec quatre copains

Joe travaille dans le noir

C'est son gagne-pain

Lise vend sur Leboncoin

Pour une bouchée de pain

Tom n'écoute plus les infos

Il est désabusé

Edouard vend son petit bateau

Il tire un trait sur le passé.

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jeudi, 13 octobre 2022

LA LUNE DES FLEURS (Marceline DESBORDES VALMORE - 1786-1859)

Douce lune des fleurs, j'ai perdu ma couronne !
Je ne sais quel orage a passé sur ces bords.
Des chants de l'espérance il éteint les accords,
Et dans la nuit qui m'environne,
Douce lune des fleurs, j'ai perdu ma couronne.

Jette-moi tes présents, lune mystérieuse,
De mon front qui pâlit ranime les couleurs ;
J'ai perdu ma couronne et j'ai trouvé des pleurs ;
Loin de la foule curieuse,
Jette-moi tes présents, lune mystérieuse.

Entrouvre d'un rayon les noires violettes,
Douces comme les yeux du séduisant amour.
Tes humides baisers hâteront leur retour.
Pour cacher mes larmes muettes,
Entrouvre d'un rayon les noires violettes !

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jeudi, 15 septembre 2022

Charles CROS - RONDE FLAMANDE

À Mademoiselle Mauté de Fleurville.
 
 
Si j’étais roi de la forêt,
   Je mettrais une couronne
Toute d’or ; en velours bleuet
           J’aurais un trône,
 
En velours bleu, garni d’argent
   Comme un livre de prière,
J’aurais un verre en diamant
           Rempli de bière,
 
Rempli de bière ou de vin blanc.
   Je dormirais sur des roses.
Dire qu’un roi peut avoir tant
           De belles choses.
 
                     *
 
Dire qu’un roi prend quand il veut
   La plus belle fille au monde
Dont les yeux sont du plus beau bleu.
           Et la plus blonde,
 
Avec des tresses comme en a
   Jusqu’aux genoux, Marguerite.
Si j’étais roi, c’est celle-là
           Que j’aurais vite.
 
                     *
 
J’irais la prendre à son jardin,
   Sur l’eau, dans ma barque noire.
Mât de nacre et voile en satin.
           Rames d’ivoire.
 
Satin blanc, nacre et câbles d’or...
   Des flûtes, des mandolines
Pour bercer la belle qui dort
           Sur des hermines !
 
                     *
 
Hermine, agrès d’or et d’argent.
   Doux concert, barque d’ébène,
Couronne et verre en diamant...
           J’en suis en peine.
 
Je n’ai que mon coeur de garçon.
   Marguerite se contente
D’être ma reine en la chanson
           Que je lui chante.
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mardi, 31 mai 2022

REVEIL (Georges CHENNEVIERE 1884-1927)

Je n'ai pas ouvert les yeux,

Et je sens que le jour point.

Mon corps reste dans le lit,

Mais mon âme est déjà loin.

 

Elle goûte parmi l'aube

Un bonheur aérien,

Et revient de temps en temps

Me rappeler que j'existe.

 

La fenêtre est grande ouverte

Avec le store baissé.

Je suis baigné du même air

Que les feuilles et les nids...

 

On dirait que les oiseaux

Chantent tous dans le même arbre,

Et j'entends le bruit d'épingles

De leurs pattes sur les toits.

 

On n'a pas encor marché

Sur le sable des jardins,

Et toutes les rues sans hommes

Sont pareilles à des routes.

 

On arrose la chaussée ;

Mes draps me semblent plus frais.

Je sens l'odeur du savon

Qui est près de la cuvette.

 

Le fleuve s'est rajeuni

D'une eau qui a traversé

Les campagnes et la nuit.

Remorqueur, tu peux chanter.

 

Le canal n'a plus de rides :

Marinier, tu peux partir.

L'aube est pleine de voyages

Qui ne devraient pas finir...

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Chennevi%C3%A8re

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