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vendredi, 23 février 2018

PARTIR (Roland Dorgelès de l'Académie Goncourt)

Depuis un instant, les machines se sont mises à ronfler et le paquebot tremble de toute sa carcasse. Prévenus par la cloche, visiteurs et parents viennent de quitter le bord, et le pont soudain paraît vide, tous les passagers penchés à la rambarde. Sur le quai, qu'on domine ainsi que d'un cinquième étage, la foule s'épaissit. Des inconnus, la tête renversée, échangent les suprêmes paroles avec ceux de là-haut, pauvres mots inutiles où l'on met tout son coeur. Des Italiens, deux mandolines et un violon, installés là comme au coin d'une rue, jouent de leurs airs napolitains, et tout cela rend le départ plus déchirant encore.

Enfin la cloche retentit une dernière fois, de l'avant à l'arrière. Des chaînes grincent. La sirène pousse un cri... Cette fois, c'est fini : nous levons l'ancre.

On ne sent rien, pas une oscillation, pas une secousse, et c'est seulement à la clameur jaillie de la jetée que j'ai compris que nous étions partis. Aussitôt debout, le coeur battant, j'ai couru à tribord.Tout le navire s'écrasait contre le bastingage, passagers et gens d'équipage. On joue du coude, on tend le cou...

Le paquebot aussi hésite à s'en aller. Il glisse lentement le long du quai, comme à regret. La foule d'en bas et celle d'en haut s'écartent peu à peu, avec effort, ainsi qu'une étoffe qu'on déchire ; bientôt il n'y a plus que les cris qui retiennent les deux morceaux. Des têtes à tous les sabords, des mouchoirs à tous les hublots....

https://www.franceculture.fr/personne-roland-dorgeles

 

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mardi, 13 février 2018

Jules RENARD : ET CES PAVES DE SAVON

Ne réservez pas à ma vieillesse un château, mais faites-moi la grâce de me garder, comme dernier refuge, cette cuisine avec sa marmite toujours en l'air, avec la crémaillère aux dents diaboliques, la lanterne d'écurie et le moulin à café, le litre de pétrole, la boite de chicorée extra et les allumettes de contrebande, avec la lune en papier jaune qui bouche le trou du tuyau de poêle, et les coquilles d'oeufs dans la cendre, et les chenets au front luisant, au nez aplati, et le soufflet qui écarte ses jambes raides et dont le ventre fait de gros plis, avec ce chien à droite et ce chat à gauche de la cheminée, tous deux vivants peut être, et le fourneau d'où filent des étoiles de braise, et la porte au coin rongé par les souris, et la passoire grêlée, la bouillotte bavarde et le gril haut sur pattes comme un basset, et le carreau cassé de l'unique fenêtre dont la vue se paierait cher à Paris, et ces pavés de savon... et cette demi-douzaine de fers à repasser, à genoux sur leur planche, par rang de taille, comme des religieuses qui prient, voilées de noir et les mains jointes.

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lundi, 05 février 2018

LA DEROBADE (Jeanne CORDELIER) Extrait

L'homme est prêt avant vous. Vous êtes maintenant seule dans la chambre ; sur la table, il y a quinze sacs, dix ou cinq, c'est la même chose. Vous les fourrez rapidement dans votre sac avec la hâte de vous retrouver dehors. Vous franchissez le seuil de l'hôtel comme une voleuse en regardant à droite et à gauche de la porte. De l'air ! Vous avez besoin d'air. Pour vous donner du courage, vous palpez sans les regarder les billets : quinze sacs, dix ou cinq, c'est de l'argent. Vous commencez à faire des projets...

Mon premier client s'appelait Jacques. Il ressemblait à Jean Sablon. Je l'avais suivi dans un hôtel de la rue Daunou. Et là tout s'était passé exactement comme ça. Et si j'ai l'heureuse faculté d'oublier les mauvais souvenirs, je n'ai jamais réussi tout à fait à oublier celui-là....

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mercredi, 06 décembre 2017

LA BICYCLETTE BLEUE de Régine DEFORGES (extrait)

Il faisait nuit quand ils arrivèrent dans les faubourgs d'Orléans. Pas une boutique, pas une maison ouverte ; les Orléanais, à leur tour, avaient pris la fuite. Le boulevard de Châteaudun et le faubourg Bannier avaient été bombardés. Un violent orage éclata brusquement, ralentissant encore la marche vers on ne sait où de tous ces gens jetés sur les routes par une peur incontrôlable. Chacun s'abrita comme il put, et certains n'hésitèrent pas à forcer les portes et les volets des demeures abandonnées. L'orage cessa comme il était venu. Des maisons violées sortaient, sans même se cacher, des ombres emportant pendules, tableaux, vases, coffrets. Les pillards commençaient leur sinistre besogne.

Je crains que nous soyons obligés de passer la nuit dans la voiture, dit Mathias qui n'avait pas avancé d'un pouce depuis une heure.

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dimanche, 05 novembre 2017

1er AVIS d'une lectrice

J'ai reçu par mail, à la fin de la semaine, une première appréciation de mon livre QUELQUE PART UN HERITAGE, paru il y a 10 jours. L'avis de cette lectrice m'encourage à continuer à écrire.

Elle m'écrit : "j'ai commencé ton livre hier soir, il se boit comme du petit lait. J'en suis déjà à la moitié, très bon, j'adore". M.P.

Je la remercie beaucoup.

Si vous désirez aussi le lire, pour le commander, c'est ici.

https://www.thebookedition.com/fr/quelque-part-un-heritag...

 

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mercredi, 18 octobre 2017

MON NOUVEAU LIVRE VIENT DE SORTIR

OUBLIER SES ANCETRES, C'EST ETRE UN RUISSEAU SANS SOURCE, UN ARBRE SANS RACINES (Proverbe chinois).

Il y a 4 ans, j'ai commencé l'écriture de mon livre QUELQUE PART UN HERITAGE.

Je viens de le terminer et de le publier. Si cela vous intéresse, rendez-vous sur le site de publication où vous pourrez lire un extrait : 

https://www.thebookedition.com/fr/quelque-part-un-heritag...

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mardi, 03 janvier 2017

FORT COMME LA MORT (Guy DE MAUPASSANT - extrait)

Quand on eut pris la duchesse, rue de Varenne, ils filèrent vers les Invalides, traversèrent la Seine et gagnèrent l'avenue des Champs-Elysées, en montant vers l'Arc de triomphe de l'Etoile, au milieu d'un flot de voitures.

La jeune fille s'était assise près d'Olivier, à reculons, et elle ouvrait, sur ce fleuve d'équipages, des yeux avides et naïfs. De temps en temps, quand la duchesse et la comtesse accueillaient un salut d'un court mouvement de tête, elle demandait : "Qui est-ce ?". Il nommait "les Pontaiglin", ou "les Puicelet", ou "la comtesse de Lochrist", ou "la belle Mme Mandelière".

On suivait à présent l'avenue du Bois de Boulogne, au milieu du bruit et de l'agitation des roues. Les équipages, un peu moins serrés qu'avant l'Arc de Triomphe, semblaient lutter dans une course sans fin. Les fiacres, les landaus lourds, les huit-ressorts solennels se dépassaient tour à tour, distancés soudain par une victoria rapide, attelée d'un seul trotteur, emportant avec une vitesse folle, à travers toute cette foule roulante, bourgeoise ou aristocrate, à travers tous les mondes, toutes les classes, toutes les hiérarchies, une femme jeune, indolente, dont la toilette claire et hardie jetait aux voitures qu'elle frôlait un étrange parfum de fleur inconnue.

"Cette dame-là, qui est-ce ? demandait Annette.

- Je ne sais pas", répondait Bertin, tandis que la duchesse et la comtesse échangeaient un sourire.

RUE DE VARENNE PARIS.jpgFORT COMME LA MORT COUVERTURE.jpg

 

15:59 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (9)

jeudi, 27 octobre 2016

MON COUP DE COEUR (2)

LES CONFIDENCES DE CARLA  de Sylvie GRIGNON aux Editions Felicia-France DOUMAYRENC.

Il s'agit du 3ème opus de la série CARLA (après CARLA et LES SECRETS DE CARLA).

Mon avis : un livre étonnant, doux et bouleversant. On est tout de suite happé par l'histoire. Carla est si attachante, si féminine. Elle nous ouvre son coeur par petits bouts, dans un ordre non chronologique. Les retours en arrière dans le temps pourraient dérouter mais ce n'est pas le cas. On traverse des moments très graves, d'autres très drôles et on vit aussi avec Carla des moments de grande douceur. Quel avenir pour notre monde ? Irons-nous vers la destruction de la majorité de la population de la terre avec échantillon humain préservé pour rebâtir un nouveau monde ? On peut se poser la question après avoir lu ce livre de Sylvie Grignon.

En vente sur le site des Editions Felicia-France DOUMAYRENC :

http://www.editions-feliciafrancedoumayrenc.com/grignon-s...

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MON COUP DE COEUR (1)

A lire absolument, le livre de Dana BARBU paru chez Edilivre : MIDVA.

Résumé : Ana ne s'attend guère à rencontrer "l'homme brun, à l'âge indéfinissable" qui sévit parfois dans ses rêves, quand elle accepte un jour l'invitation de jouer les Gargantua au pays situé du côté ensoleillé des Alpes. Ils se découvrent lors de ce séjour....

Vous trouverez la suite du résumé sur le site EDILIVRE et mon avis lecteur sur ce même site.  Bravo à Dana BARBU pour cette magnifique histoire.

https://www.edilivre.com/catalog/product/view/id/788552/s...

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samedi, 20 août 2016

Extrait : LES REBELLES (Jean Pierre CHABROL)

La montagne d'abord. La Cévenne.

Chacun la sienne. Atlas, géographie, dictionnaire, on ne trouve jamais imprimé que "les Cévennes" ; en passant de la vie sur le papier, cet étrange pays prend le pluriel.

La Cévenne n'est pas de ces contrées qui se laissent apercevoir, côtoyer, toiser, parcourir, aimer, quitter, elle ne peut être ni un passage, ni une passade. On est dedans ou dehors.

Dans ses vieux mas d'une hautaine misère, l'hospitalité s'applique comme une loi martiale. Dès qu'on a poussé la porte, on entend ce cri : "Entre ou sors !". Il faut décider sur l'instant, la tramontane n'attend pas mais la décision prise peut l'être à vie.

Dedans, c'est bien dit : le monde, tout le reste du monde est dehors, derrière les trois montagnes, le Lozère qui tourne le dos au Vivarais, le Bougès qui le tourne au Gévaudan, l'Aigoual qui le tourne à l'Afrique. Trois monts chauves, trapus, râblés, épaule contre épaule, pour retenir le ciel gaulois.

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