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vendredi, 05 juillet 2013

STENDHAL (extrait de LUCIEN LEUWEN)

Donne-toi donc quelquefois l'air un peu sombre. Tous les hommes de ton âge cherchent l'importance ; tu y étais arrivé en vingt quatre heures, sans qu'il y eût de ta faute, pauvre garçon ! et tu la répudies de gaieté de coeur. A te voir on dirait un enfant, et, qui pis est, un enfant content. On commence à te prendre au mot, je t'en avertis, et, malgré les millions de ton père, tu ne comptes dans rien ; tu n'as pas de consistance, tu n'es qu'un écolier gentil. A vingt ans, cela est presque ridicule, et, pour t'achever, tu passes des heures entières à ta toilette, et on le sait.

- Pour te plaire, disait Lucien, il faudrait jouer un rôle, n'est-ce pas ? et celui d'un homme triste ! et qu'est-ce que la société me donnera en échange de mon ennui ? et cette contrariété serait de tous les instants. Ne faudrait-il pas écouter, sans sourciller, les longues homélies de M. le marquis D... sur l'économie politique, et les lamentations de M. l'abbé R... sur les dangers infinis du partage entre frères que prescrit le Code Civil ? D'abord, peut être, ces messieurs ne savent ce qu'ils disent ; et, en second lieu, ce qui est bien plus probable, ils se moqueraient fort des nigauds qui les croiraient.

- Eh bien, réfute-les, établis une discussion, la galerie est pour toi. Qui te dit d'approuver ? Sois sérieux ; prends un rôle grave.

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mercredi, 26 juin 2013

LE PETIT POUCET (Charles PERRAULT, extrait)

On ne s'afflige point d'avoir beaucoup d'enfants

Quand ils sont tous beaux, bien faits et bien grands,

Et d'un extérieur qui brille ;

Mais si l'un d'eux est faible ou ne dit mot,

On le méprise, on le raille, on le pille ;

Quelquefois cependant c'est ce petit marmot

Qui fera le bonheur de toute la famille.

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samedi, 22 juin 2013

J. M. G. LE CLEZIO : ANGOLI MALA

Avant la saison des pluies, John Gimson, surnommé Bravito, est arrivé sur le fleuve. Il était né là, dix huit ans auparavant, mais il ne connaissait plus rien. Quand il avait deux ou trois ans, ses parents, des Indiens nouvellement convertis à la religion baptiste, étaient morts de la typhoïde dans le petit dispensaire que le pasteur, un Noir américain du nom de John Gimson, venait de faire construire sur le fleuve, en amont de Yaviza. Le pasteur avait dû repartir aussitôt vers la ville de Panama, et il avait emmené avec lui l'enfant. Il lui avait donné son nom, et il l'avait élevé dans la religion, avec l'idée que le jeune Indien retournerait un jour parmi les siens pour répandre la bonne parole. Mais un jour, comme le pasteur lui avait reproché d'avoir bu de l'alcool dans un des tripots du Maranon, Bravito avait pris un billet sur le bateau qui partait pour le Darien, et il était arrivé sur le fleuve.

Il n'avait aucune idée de ce qu'était la vie dans la forêt. C'était un jeune Indien de la tribu des WAUNANAS, svelte et fort, avec un visage d'une grande beauté et d'épais cheveux noirs renvoyés en arrière. Bravito était le surnom que ses parents lui avaient donné à sa naissance, parce qu'il semblait coléreux, et le pasteur lui avait gardé ce surnom.

Les sociétés indiennes n'aiment pas les transfuges.

Quand il était parti le long du fleuve à la recherche de sa famille, Bravito avait été accueilli avec méfiance. Tout en haut du fleuve, un peu au-dessous de l'endroit qu'on appelait Tres Bocas (les trois bouches, à cause des trois torrents qui formaient la source du fleuve), il avait trouvé la maison de son oncle. Quand il était enfin arrivé là, après cet interminable voyage à bord de la pirogue des commerçants noirs venus vendre de l'huile et du riz aux Indiens, Bravito s'était senti un peu découragé. Le fleuve était couleur de boue, et de chaque côté s'élevaient les murailles infranchissables de la forêt.

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lundi, 22 avril 2013

LE PROCES (Franz KAFKA)

On avait sûrement calomnié Joseph K..., car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin.

La cuisinière de sa logeuse, Mme GRUBACH, qui lui apportait tous les jours son déjeuner à 8 heures, ne se présenta pas ce matin là. Ce n'était jamais arrivé, K... attendit encore un instant, regarda du fond de son oreiller la vieille femme qui habitait en face de chez lui et qui l'observait avec une curiosité surprenante, puis, affamé et étonné tout à la fois, il sonna la bonne. A ce moment on frappa à la porte et un homme entra qu'il n'avait encore jamais vu dans la maison. Ce personnage était svelte, mais solidement bâti, il portait un habit noir et collant, pourvu d'une ceinture et de toutes sortes de plis, de poches, de boucles et de boutons qui donnaient à ce vêtement une apparence particulièrement pratique sans qu'on pût cependant bien comprendre à quoi tout cela pouvait servir.

"Qui êtes-vous ?" demanda K... en se dressant sur son séant.

Mais l'homme passa sur la question, comme s'il était tout naturel qu'on le prit quand il venait, et se contenta de demander de son côté :

"Vous avez sonné ?

- Anna doit me porter le déjeuner", dit K... essayant d'abord muettement de découvrir par déduction qui pouvait être ce monsieur. Mais l'autre ne s'attarda pas à se laisser examiner ; il se retourna vers la porte et l'entrouvrit pour dire à quelqu'un qui devait se trouver juste derrière :

"Il veut qu'Anna lui apporte le déjeuner !"

Un petit rire suivit dans la pièce voisine ; à en juger d'après le bruit, il pouvait se faire qu'il y eût là plusieurs personnes. Bien que l'étranger n'eût pu apprendre de ce rire rien qu'il ne sût auparavant, il déclara : "C'est impossible..." à K... sur un ton de commandement.

"Voilà qui est fort, répondit K... en sautant à bas de son lit pour enfiler son pantalon. Je voudrais bien voir qui sont ces gens de la pièce à côté, et comment Mme GRUBACH m'expliquera qu'elle puisse tolérer qu'on vienne me déranger de la sorte".

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mardi, 09 avril 2013

BONJOUR TRISTESSE (Françoise SAGAN)

Je passais par toutes les affres de l'introspection sans, pour cela, me réconcilier avec moi-même. "Ce sentiment, pensais-je, ce sentiment à l'égard d'Anne est bête et pauvre, comme ce désir de la séparer de mon père est féroce".

Mais, après tout, pourquoi me juger ainsi ? Etant simplement moi, n'étais-je pas libre d'éprouver ce qui arrivait. Pour la première fois de ma vie, ce "moi" semblait se partager et la découverte d'une telle dualité m'étonnait prodigieusement. Je trouvais de bonnes excuses, je me les murmurais à moi-même, me jugeant sincère, et brusquement un autre "moi" surgissait, qui s'inscrivait en faux contre mes propres arguments, me criant que je m'abusais moi-même, bien qu'ils eussent toutes les apparences de la vérité. Mais n'était-ce pas, en fait, cet autre qui me trompait ? Cette lucidité n'était-elle pas la pire des erreurs ? Je me débattais des heures entières dans ma chambre pour savoir si la crainte, l'hostilité que m'inspirait Anne à présent se justifiaient ou si je n'étais qu'une petite jeune fille égoïste et gâtée en veine de fausse indépendance.

En attendant, je maigrissais un peu plus chaque jour, je ne faisais que dormir sur la plage et, aux repas, je gardais malgré moi un silence anxieux qui finissait par les gêner. Je regardais Anne, je l'épiais sans cesse, je me disais tout au long du repas : "Ce geste qu'elle a eu vers lui, n'est-ce pas l'amour, un amour comme il n'en aura jamais d'autre ? Et ce sourire vers moi avec ce fond d'inquiétude dans les yeux, comment pourrais-je lui en vouloir ?" Mais, soudain, elle disait : "Quand nous serons rentrés, Raymond..." Alors l'idée qu'elle allait partager notre vie, y intervenir, me hérissait.

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lundi, 01 avril 2013

Allons voir plus loin, veux-tu ? (Anny DUPEREY)

Sa hâte de partir était si grande qu'elle décida que ce devait être quinze heures. Elle pourrait sauter dans ce train si les ploucs qui étaient devant elle et la blondasse derrière son guichet voulaient bien se presser un peu au lieu de discuter un quart d'heure à chaque billet. "Dieu ! Que c'est lent ici, que tout est lent et lourd..." pensa, agacée, celle qui savourait encore il y a peu de temps le charme apaisant du rythme provincial.

Un couple de petits vieux, devant elle, sauvegardait tant bien que mal un équilibre pyramidal, les épaules appuyées l'une contre l'autre, les têtes presque jointes, deux cannes les soutenant de part et d'autre, comme des étais auraient maintenu un édifice branlant. Quand la file avançait de cinquante centimètres, on déplaçait dans l'ordre les cannes, l'une après l'autre, les pieds, deux puis quatre, péniblement, puis les épaules s'appuyaient de nouveau. Le tout vacillait, instable, souffreteux, et l'ensemble s'immobilisait dans son équilibre précaire jusqu'à la prochaine avancée. Christine les observait. A quelques centimètres de leurs dos, rien ne lui échappait de leurs efforts, de leur douleur, du petit gémissement que la vieille laissait échapper dans un souffle chaque fois qu'elle avait à déplacer son corps, et leurs soupirs conjoints quand ils s'épaulaient de nouveau. Et leur patience, et leur silence, et leur humilité. Ils attendaient, comme tout le monde, comme s'ils avaient été encore comme tout le monde... Christine avait mal pour eux.

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dimanche, 13 janvier 2013

LIEN POUR COMMANDER mon dernier livre ARTHUR ET MADELEINE

Comme le lien pour commander mon dernier livre, ARTHUR ET MADELEINE, ne fonctionne pas malgré mes multiples modifications, je vous le donne ci-dessous.

 

http://www.thebookedition.com/arthur-et-madeleine-elisabe...

 

dimanche, 06 janvier 2013

QUEL LIVRE VOUS A LE PLUS MARQUE ?

Quel livre a le plus marqué votre vie au point de ne plus pouvoir vous en détacher ? Quel livre vous a tant bouleversé que votre vie a fait un grand bond en avant ? Quel livre a entraîné un virage important dans votre façon de penser ?

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dimanche, 16 décembre 2012

HASARD (J. M. G. LE CLEZIO)

Pour ses cinquante ans, MOGUER avait fait une folie. Il avait réalisé son rêve de gosse, en faisant construire sur ses plans, dans les chantiers navals de Turku en Finlande, un voilier de quatre-vingts pieds principalement en acajou, effilé comme une aile d'albatros, auquel il avait donné le nom de Azzar, en souvenir de la petite fleur d'oranger qui ornait la face heureuse du dé avec lequel il se mesurait à la fortune, quand il était adolescent à Barcelone, sur les Ramblas. Il avait veillé à la réalisation du navire jusque dans les moindres détails, choisissant les essences qui lambrissaient l'intérieur, la décoration, et chaque élément qui devait contribuer à faire du Azzar à la fois sa résidence idéale et son bureau de production.

Il avait apporté un soin tout particulier à la cabine avant - il l'appelait pompeusement la cabine de l'armateur - dessinant un lit monumental et triangulaire qui occupait l'extrémité de la proue. Un lit où les rêves devaient pouvoir se prolonger au-delà du sommeil, dans des draps de satin noir, une sorte de radeau de luxe pour dérive amoureuse, ou simplement un oubli du monde dans le bercement soyeux des vagues contre l'étrave, quelque part entre les îles et la terre ferme...

Contiguë à la chambre, il avait fait aménager une salle de bains en bois gris, d'où, depuis une immense baignoire turquoise, il pouvait deviner la ligne sombre de l'horizon. Enfin, parce qu'il ne voulait dépendre de personne, il s'était ingénié à tout ce qui pouvait simplifier la manoeuvre, en reliant les treuils et les cordages à un tableau électrique qu'il pouvait commander tout seul depuis le cockpit.

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dimanche, 09 décembre 2012

ON PEUT TROUVER DU BON...

Ce qui m'importe, à moi, c'est quand les gens ont des a priori sur quelqu'un et le considèrent sans aucune nuance...

Ce n'est pas parce qu'on n'est pas d'accord avec tout ce que quelqu'un déclare que c'est forcément un sale type. On peut trouver du bon chez la plupart des gens.

(NEIL YOUNG, Une autobiographie).

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