mardi, 24 juin 2025
EN CHEMIN ... (souvenir de mon enfance)
Je vais chez ma grand-mère, je regarde les vitrines des magasins et les différents commerces qui se succèdent dans la rue principale.
Après avoir traversé le pont du canal, le "Bar de la Marine" peint en bleu foncé accueille les jeunes lycéens qui se détendent autour d'un verre ou les ouvriers de la céramique à la sortie de leur travail.
Un magasin de disques et de matériel électroménager, tenu par un ami de mon père, présente ses nouveautés. Des affiches publicitaires variées garnissent les murs à l'intérieur et la vitrine. Derrière son comptoir, le commerçant conseille une cliente. Je me souviens avoir gardé quelques heures le magasin pendant l'absence brève de cet ami de mon père. Je n'avais pas l'habitude et je me demandais comment j'allais faire face à la clientèle. Heureusement pour moi, le seul client qui s'était présenté avait demandé un renseignement sur un disque, un 45 tours, qui n'était pas encore sorti. J'ai pu ce jour là m'en sortir très bien. Actuellement ce magasin est une Auto Ecole.
L'Hôtel avec sa grande salle au rez de chaussée et son bar où l'on peut entendre les rires des joueurs de cartes, anime ce quartier. La fumée emplit le bar mais ne gêne personne. Quand je passe devant, je regarde à chaque fois à l'intérieur pour essayer d'apercevoir mon grand père tirant les cartes avec ses copains. Il y passe quelquefois l'après-midi, les jours où il ne va pas à la pêche. Il prend alors son solex, met son béret sur la tête, et part se distraire un peu.
A la suite de l'Hôtel, la boucherie où je ne suis jamais entrée me semble bien petite. Quelquefois, le boucher se tient devant sa porte. Il porte un tablier blanc tâché de sang sur son ventre rebondi et regarde les passants en attendant les clients. Je lui dis bonjour timidement. Je sais que ma grand mère se sert chez lui.
Mais ce que j'aime le plus c'est la mercerie. Les deux vitrines qui se trouvent de chaque côté de la porte d'entrée offrent un étalage varié et renouvelé toutes les semaines. Je me rappelle y être entrée avec maman qui cherchait du fil à coudre. On y trouve des canevas, des fils de toutes les couleurs, de toutes les grosseurs, des napperons à faire soi-même, des aiguilles à tricoter, des foulards, des ceintures, des sous-vêtements. Même si la mercerie est étroite, les étagères qui montent jusqu'au plafond contiennent tout ce qui fait le bonheur des dames.
Après la mercerie, il me faut tourner la rue et je retrouve des maisons alignées jusqu'à la rue à angle droit où se tient une épicerie.
Il faut monter quelques marches pour y accéder. Le plancher craque quand on entre. Il fait assez sombre. Mais tout est en ordre sur les étagères et dans les cagettes. Les senteurs des fruits lui donnent tout son charme. L'épicière est assez âgée et ma grand mère aime lui raconter un peu sa vie.
Je poursuis ensuite mon chemin et je m'éloigne de tous les commerces de la ville. La rue n'est plus ouverte que sur des maisons, des jardins ainsi que des hangars d'usine. C'est pas loin de là qu'habitent mes grand-parents paternels, dans une petite rue tranquille.
15:27 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : souvenirs, enfance, boutiques, magasins, boucherie, mercerie, épicerie
vendredi, 20 juin 2025
TANTE JEANNE
Si vous êtes né dans les années 40, 50 ou 60, peut être avez vous eu une Tante Jeanne dans votre famille.
Personnellement, j'en ai connu deux, une du côté de mon grand père paternel, et l'autre du côté de ma grand mère maternelle.
Jeanne T. était la femme de l'aîné des frères de mon grand père paternel.
Ils venaient de Paris en train pour quelques événements familiaux chez mon grand père. Je me souviens que je lui avais mis une grappe de cerises sur une de ses oreilles. Je devais avoir 4 ou 5 ans.
Photo de leur mariage en 1912 :
Quant à l'autre, Jeanne R., soeur de ma grand mère maternelle, elle était d'une grande douceur. Nous allions la voir le dimanche, de temps en temps, à Jeumont où elle vivait avec son deuxième mari, le premier ayant été tué à la guerre de 1914-18.
Elle adorait faire des napperons au crochet. Elle nous les montrait d'ailleurs, à chaque fois que nous lui rendions visite. Elle nous disait qu'elle était cardiaque et que son médecin lui avait déconseillé de faire des efforts, d'avoir des contrariétés.
En photo, Jeanne R. au centre, avec son mari et un de ses petits fils, il y a 52 ans.
16:52 Publié dans Souvenirs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : souvenirs, enfance, tante, famille, grand père, grand mère.
mardi, 20 mai 2025
Souvenir d'enfance : L'OCULISTE de MAUBEUGE
Ma mère a eu 5 enfants dont 3 ont porté des lunettes dès l'école primaire.
Je fais partie des 3, j'ai porté mes 1ères lunettes à l'âge de 8 ans.
Tous les ans à la même époque, ce devait être pendant les grandes vacances, nous prenions le train pour nous rendre au rendez-vous fixé par l'oculiste. Dans notre petite ville, à part les médecins généralistes, il n'y avait pas de médecins spécialistes.
Arrivés à la gare, nous nous dirigions vers les faubourgs. Dans une rue toute droite, des maisons individuelles se succédaient. C'est dans l'une d'elles que notre oculiste exerçait. Dans la salle d'attente, les volets fermés, une faible lumière nous accueillait ainsi qu'un canapé et quelques fauteuils.
Je demandais à ma mère pourquoi nous étions dans le presque noir. Elle m'expliquait que c'était pour prendre soin de nos yeux.
Puis nous passions une par une dans le bureau de l'oculiste.
Quand nous sortions de ce rendez-vous, ordonnance à la main, nous allions commander nos nouveaux verres chez l'opticien de notre petite ville et quelquefois changer en même temps nos montures, car en grandissant nos lunettes devenaient trop petites.
J'avais du mal à m'y habituer les premiers jours et je manquais de tomber car je levais trop haut mes pieds pour monter ou descendre du trottoir.
18:12 Publié dans Souvenirs | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : souvenirs, enfance, médecin, ophtalmo, train, famille, cuture
mardi, 22 avril 2025
MON 1er DEMENAGEMENT
J'ai 2 ans 1/2 et ma mère attend son 4ème enfant. Elle a 27 ans. Mon père nous prend en photo, mon frère, ma soeur, ma mère et moi, devant ce qui fût notre maison. Car aujourd'hui nous déménageons. Nous partons dans une nouvelle maison, à l'autre bout de la ville, une maison que mes parents ont fait construire dans un quartier calme, près des écoles de filles et de garçons. Ma mère porte un long manteau qui cache sa grossesse arrivée à terme.
Je lui donne ma main gauche et de la main droite je tiens mon petit sac à main rouge. J'ai mis mes chaussures blanches. Je porte aussi un manteau comme mon frère et ma soeur.
Nous sommes photographiés devant la porte d'entrée, sur les marches qui donnent sur le trottoir et la route pavée. Mon frère se tient tout droit comme un soldat au "garde à vous". Il porte un manteau clair et ma soeur se tient entre ma mère et mon frère, en penchant la tête, car elle s'est mise un peu derrière ma mère. Elle tient son petit sac beige dans la main droite.
Nous voilà partis pour notre nouvelle maison.
Dans le jardin, je ne vois aucun arbre, aucune fleur, même pas une herbe qui pousse dans ce qui fût un chantier de construction. En entrant dans la maison, je sens l'odeur du plâtre et du bois neufs. Quand nous nous parlons, nos voix résonnent car mes parents n'ont pas beaucoup de meubles. Je n'aime pas cette maison. Les murs sont blancs et les fenêtres sans peinture, elle est impersonnelle.
Je dis à ma mère que je veux revenir dans l'autre maison car j'y ai mes souvenirs. Mais elle me répond que ce n'est pas possible.
Mon frère et ma soeur partent à l'école et je reste seule avec ma mère. Je ne veux pas manger, je ne veux pas jouer, je m'ennuie toute seule.
Puis, quelques semaines après le déménagement, je m'en vais passer quelques jours chez mon grand père et ma grand mère, à l'autre bout de la ville, accompagnée de mon frère et de ma soeur.
Ma grand mère s'absente une demi-journée et mon grand père nous garde tous les trois. Il nous fait des clins d'oeil complices en sortant un paquet de bonbons du vieux buffet de la cuisine. Il m'apprend à écrire, à lire, je joue avec les voitures de mon frère. Ma soeur joue aux cartes avec mon grand père qui fume la pipe.
Quand nous revenons, nous découvrons un bébé aux cheveux noirs, dans un berceau là-haut, dans une des chambres. C'est ma petite soeur, mignonne. C'est la 1ère fois que je vois un bébé. On dirait une poupée. Je suis heureuse. Je voudrais la prendre dans mes bras comme le fait ma maman. Je l'aime tellement cette petite soeur que je retrouve l'appétit et j'oublie ma peine causée par le déménagement.
09:18 Publié dans Souvenirs | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : souvenirs, enfance, naissance, bébé, famille, culture
jeudi, 13 mars 2025
LES COURSES
Dans les années 60, peu de mères de famille possédaient le permis de conduire. Pour faire les courses, elles se rendaient à pied chez le boucher, le boulanger, le marchand de fruits et légumes, à la mercerie et à la droguerie-quincaillerie. Dans les petites villes les supermarchés n'existaient pas encore.
Les deux grands paniers en osier de ma mère pendaient à la porte de la cave avec le porte-monnaie à l'intérieur, prêts à servir chaque matin, dès 9 heures.
Après nous avoir accompagnés à l'école, maman se rendait dans la rue principale et entrait chez le boucher. Elle poussait la large porte vitrée en disant bonjour. Le boucher répondait en demandant :
"comment allez-vous ? que vous faut-il aujourd'hui ?".
Ma mère passait sa commande en parlant de la pluie et du beau temps ou des dernières nouvelles. Une cliente entrait et ma mère, se tournant vers elle, lui disait : "bonjour Ginette ! Alors, comment vas-tu ?" pendant que le boucher préparait et coupait le morceau de viande demandé, tout en discutant avec ses deux clientes.
Mais quelquefois, le dimanche matin, en sortant de la messe, elle se rendait chez l'autre boucher derrière l'église.
En sortant de la boucherie habituelle, ma mère traversait la rue et se dirigeait vers le magasin de fruits et légumes tenu par une de ses copines d'enfance, Marie Madeleine. Ce magasin était tout en profondeur, propre et bien rangé. Elles se voyaient presque tous les jours mais avaient toujours quelque chose à se raconter.
Ma mère avait le choix entre plusieurs boulangeries, mais elle se rendait toujours dans celle qui se trouvait devant la maison de sa mère Marguerite, dans une petite rue.
Les courses de ma mère duraient ainsi presque 2 heures chaque matin car elle rencontrait toujours dans la rue les mêmes personnes qui faisaient leurs achats à la même heure. Elles prenaient le temps de bavarder.
C'est ainsi qu'au repas de midi elle nous racontait les dernières nouvelles du quartier.
15:36 Publié dans Souvenirs | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : souvenirs, enfance, droguerie, magasins, courses, peinture, bric à brac
mercredi, 04 décembre 2024
LA SOUPE AUX CAILLOUX
Sur la photo ci-dessous, j'ai 1 an et 7 mois et mon frère 5 ans. Nous préparons une "soupe aux cailloux" avec de l'eau et du gravier trouvé dans la terre et nous versons le mélange dans une vieille casserole.
Nous sommes dans la cour de la maison de mes grands parents paternels. Ma grand mère élevait des poules. Elle leur donnait à manger du maïs dans de vieux récipients. Le dimanche quand on mangeait chez eux en famille, ou bien le jeudi après midi, jour de congé scolaire, nous nous amusions (avec ma soeur aînée qui a 2 ans de plus que moi), dans la cour et le jardin derrière la maison de l'usine dont mes grands parents étaient gardiens.
Nos jeux imitaient les adultes, comme tous les enfants le font. Ma grand mère riait en découvrant la "soupe aux cailloux". Mon grand père nous surveillait d'un oeil complice.
10:47 Publié dans Souvenirs | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : souvenirs, enfance, activités, grand mère, grand père, jardin, poules, jeux
jeudi, 17 octobre 2024
LES SOUVENIRS (Henry Bataille - 1872-1922)
Les souvenirs, ce sont des chambres sans serrures,
Des chambres vides où l’on n’ose plus entrer,
Parce que de vieux parents jadis y moururent.
On vit dans la maison où sont ces chambres closes.
On sait qu’elles sont là comme à leur habitude,
Et c’est la chambre bleu, et c’est la chambre rose…
La maison se remplit ainsi de solitude,
Et l’on y continue à vivre en souriant…
J’accueille quand il veut le souvenir qui passe,
Je lui dis : « Mets-toi là… Je reviendrai te voir… »
Je sais toute ma vie qu’il est bien à sa place,
Mais j’oublie de revenir le voir,
Ils sont ainsi beaucoup dans la vieille demeure.
Ils se sont résignés à ce qu’on les oublie,
Et si je ne viens pas ce soir ni tout à l’heure.
Ne demandez pas à mon coeur plus qu’à la vie…
Je sais qu’ils dorment là, derrière les cloisons,
Je n’ai plus le besoin d’aller les reconnaître ;
De la route je vois leurs petites fenêtres,
Et ce sera jusqu’à ce que nous en mourions.
Pourtant je sens parfois, aux ombres quotidiennes,
Je ne sais quelle angoisse froide, quel frisson,
Et ne comprenant pas d’où ces douleurs proviennent,
Je passe… Or, chaque fois, c’est un deuil qui se fait
Un trouble est en secret venu nous avertir
Qu’un souvenir est mort ou qu’il s’en est allé…
On ne distingue pas très bien quel souvenir,
Parce qu’on est vieux, on ne se souvient guère…
Pourtant, je sens en moi se fermer des paupières.
16:33 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : poète, poème, poésie, henry bataille, culture, souvenirs
dimanche, 29 septembre 2024
EUPHORIQUE
Je marchais dans les rues envahies par le soleil déjà fort en cette fin de matinée.
Au loin, j'entendais une musique euphorique. Je pensais qu'elle s'échappait de quelque fenêtre ouverte ou bien d'un bar musical.
Au fur et à mesure que j'avançais, je savais que ce chant s'élevait de la terre et non d'une quelconque chaine hifi ou radio.
En montant la rue, j'apercevais au loin une jeune fille assise sur le trottoir qui frappait de ses deux mains une sorte de couvercle en métal. Elle caressait presque la surface de ce drôle d'instrument. Elle en faisait le tour et les passants s'arrêtaient pour la regarder jouer.
Moi aussi je la regardais, surprise d'entendre s'échapper de son instrument une musique si douce, indéfinissable....
(le Hang Drum est un nouvel instrument de musique créé par deux Suisses en 2000 ; j'ai vu cet instrument à Barcelone, au Parc Guell, le 13 novembre 2010, joué par un jeune musicien et accompagné au violon par un autre).
23:28 Publié dans Nouvelles et textes brefs | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : musique, instrument, hang drum, zen, musicien de rue, spectacle, souvenirs
vendredi, 20 septembre 2024
LE BUREAU DE GRAND PERE
Le bureau de grand père, dans les années 50 et en 1960, était une pièce assez sombre, éclairée seulement par une fenêtre donnant sur la rue.
Grand père y tenait des comptes sur des grands livres. Il y lisait également le journal local en fumant la pipe. Tout était bien ordonné, bien rangé, chaque chose avait une place bien déterminée.
Je le retrouvais là, le dimanche midi, quand nous arrivions en famille pour le repas préparé par grand mère.
Dès qu'il discutait sérieusement avec papa, je partais jouer dans le jardin.
Une bibliothèque vitrée se tenait dans le coin gauche de cette pièce où régnait le calme absolu. J'ai bien essayé de m'intéresser à ce qui s'y trouvait aligné sagement, mais je n'aimais que les livres de mon grand frère.
Un canapé en cuir marron, adossé au mur près de la porte, était le seul endroit où j'aimais m'asseoir. C'est là que le Père Noël déposait ses cadeaux chaque fin d'année. Cette idée ne me semblait pas étrange, au contraire, il avait la bonne idée de ne déranger personne dans la maison, lors de son bref passage.
Des bibelots anciens donnaient à ce bureau une ambiance d'un autre siècle.
Quand grand père a pris sa retraite, j'avais 8 ans, un autre bureau plus petit l'attendait dans sa nouvelle maison. Il avait gardé chaque meuble mais l'ambiance et les activités restaient les mêmes.
16:19 Publié dans Souvenirs | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : souvenirs, écriture, enfance, grand père, retraite, comptable, usine
lundi, 09 septembre 2024
UNE PETITE ROBE ORANGE
Elle avait remarqué une robe imprimée, en photo, dans un magazine.
Son envie devenait de plus en plus forte au fur et à mesure qu'elle regardait la photo. Plusieurs fois elle avait refermé les pages, puis elle se mettait à rêver qu'elle pourrait la porter cet été, pendant ses vacances. Elle serait belle dedans, sans aucun doute. Il fallait qu'elle en parle à sa mère. Elle n'osait pas de peur d'essuyer un refus.
Pendant plusieurs jours elle hésita, se disant que son envie lui passerait et elle serait ainsi en paix avec sa mère.
Puis un matin, n'en tenant plus, elle ouvrit la bouche et sa phrase préparée depuis plus d'une semaine sortit spontanément. Elle en fut la première surprise. Elle avait tout simplement osé demander à sa mère de lui acheter.
11:38 Publié dans Nouvelles et textes brefs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : vêtements, robe, habits, souvenirs, fille, femme, texte brefs, culture