mardi, 27 décembre 2022
NOEL 1914 DANS LES TRANCHEES
Extrait du Journal de guerre de mon grand-père Arthur.
J'ai publié son Journal de guerre intégralement dans mon livre ARTHUR et MADELEINE paru chez TheBookEdition en 2012.
"On repart aux Islettes le 21 novembre au matin. La neige tombe et tout le long du chemin on la reçoit en flocons serrés. Cela empêche les avions et les obus. C’est tout ce que l’on demande. On est vacciné pendant ce temps contre la typhoïde et beaucoup sont malades. Nous reprenons notre vie de famille avec le père Guillemin. Mais elle fût de courte durée.
Le 28 on repartait en réserve à la maison forestière où on travaille à faire des abris à la sapinière. Dans la nuit du 1er au 2 décembre, on reprenait les avant-postes à la Haute Chevauchée. Les tranchées sont près de celles de l’ennemi et pour aller au Commandant il faut suivre de longs boyaux sinueux et pendant la route les balles affluent. Leplus va souvent au court et je lui donne les rapports. Le Capitaine malade est resté aux Islettes et c’est le Lieutenant Kern qui reprend le commandement. Quelle barbe ! Toute la journée il ne cherche qu’à ennuyer tout le monde. Je m’y fais quand même. Tous les soirs avec Leplus, Rivière et Clément on se fait le chocolat au lait et on s’amuse bien malgré la proximité des boches. On fume des pipes, on fait des manilles. L’on passe ainsi le temps sauf quand Kern nous ennuie. Quelle vie que celle des tranchées. Il pleut et on est plein de boue. Toujours enterrés sans relâche. Quelle vie. Leplus connaît très bien l’Abbé Hazard et on cause ainsi comme de vieilles connaissances. Il a été son élève à l’école St Joseph. Leplus est sans nouvelles de sa famille depuis le début. Il est avocat à Lille. Quel bon chrétien !
On revient à la Sapinière les 10 et 11. On repart au 31ème (Soutrens) et arrivée le soir. La nuit se passe sous la pluie, une nuit noire sous les balles. Laudin est tué, 3 sont blessés.
Le lendemain on continue les tranchées sous la pluie. On est relevés le 13 et on repart à la Sapinière. On se repose. Arrive Raymond et des engagés et volontaires. Je suis content de revoir mon chef-adjudant Pecquemal. La cuisine est bonne, on se repose. A la source on fait le nettoyage.
Aux avant-postes le 17, première journée et embêtement avec Kern. On construit une casemate. On passe les soirées avec les agents de liaison. Dans les tranchées, la pluie et la boue. Leplus part aux éclaireurs. On bombarde les tranchées ennemies, des tranchées de 20 lignes. On joue aux cartes le soir, on fait des manilles.
Le 23 décembre, on pose des fils de fer à 5 sur la Haute Chevauchée. On entend le sifflement des balles.
Nous sommes relevés le 26, après le Réveillon du 24 où l’on boit du chocolat et où l’on rigole. En réserve au poste du Commandant, on fait les corvées. On se réveille à 6 heures. Il rentre tous les jours du ravitaillement et on a de nouveau des ennuis avec Kern.
Le 31, Kern part et Raymond est nommé sous-lieutenant. Nous sommes contents du départ de Kern. Mais en ce dernier jour de 1914, les corvées sont arrosées d’obus. Vermeren est tué et on a des blessés dans la tranchée ".
(Photos d'une feuille de houx que mon grand-père Arthur avait gardée dans un tiroir, en souvenir de NOEL 1914)
15:45 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : noël, tranchées, guerre 14-18, argonne, verdun, première guerre mondiale, grand-père, arthur
dimanche, 11 novembre 2012
LE 19 septembre 1914 (extrait de mon livre ARTHUR ET MADELEINE qui vient de paraître)
Le 19 septembre 1914 on enterre le Sergent Morelle dans la prairie à droite du chemin, près le Four de Paris, et tout le Bataillon rend les honneurs.
Sur la fosse ouverte, un Caporal récite des prières tandis que le Lieutenant ému prononce ces mots : "Sergent Morelle, toi qui as vaillamment fait ton devoir, je ne te dis pas adieu mais au revoir".
Le Commandant salue la troupe, rend les honneurs et on salue ce camarade, le 1er auquel nous avons pu rendre ce dernier devoir.
Pendant notre marche en avant, nous avons croisé des cadavres abandonnés mais on n'avait pas le temps de les enterrer, chose fût faite par les territoriaux qui nous ont suivis.
Partout des tumulus ou des petits monticules rappelaient la lutte âpre qui avait dû se livrer quelques jours auparavant.
10:34 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : 1914, guerre, société, mémoire, première guerre mondiale