jeudi, 16 janvier 2025
Extrait de L'OISEAU BAGUE de Jean GIONO
Quand on attend violemment quelque chose, toujours, toujours, il faut être très équilibré pour ne pas devenir fou, et, à la fin, prendre soi-même la force de ne plus attendre.
Entre l'automne et l'hiver, les longues pluies passent. Ici la terre est d'argile et de schiste. Presque pas d'arbres, presque pas d'herbe. C'est vite une boue épaisse dont l'eau ne peut jamais trouver le fond. Il reste à faire quelques charrois de raves pour les bêtes. Les tombereaux sont enchapés de terre grasse jusqu'aux moyeux. Les mulets, les ânes, les boeufs, les hommes portent des bottes de boue jusqu'à la moitié des cuisses. La ville a beau être pavée, elle finit par être toute gluante. L'hiver n'est pas un hiver de neige dure ; c'est une lutte entre la montagne et la mer. Pendant la nuit, la montagne descend et elle gèle tout, pendant le jour la mer monte à travers le ciel, elle se couche sur nous avec son eau tiède, tout s'amollit, les arbres s'arrachent tout seuls le long des talus, les coteaux se déchaînent en longs glissements d'argilières, sans jamais trouver l'os du rocher. Il n'y a plus que le bruit de la boue et de la pluie, le long des jours, le long des jours, le long des jours, sans jamais d'arrêts.
10:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : livre, culture, jean giono, écriture, roman