mercredi, 17 mars 2021
Bernard de Ventadour : J'AI LE COEUR
J’ai le cœur si plein de joie,
Qu’il transmute Nature :
C’est fleur blanche, vermeille et jaune
Qu’est pour moi frimas ;
Avec le vent et la pluie
S’accroît mon bonheur.
Aussi mon Prix grandit, monte ;
Et mon chant s’épure.
J’ai tant d’amour au cœur
De joie et de douceur,
Que gelée me semble fleur,
Et neige, verdure.
Je puis aller sans habits,
Nu dans ma chemise,
Car pur amour me protège
De la froide bise.
Mais est fol qui, hors mesure,
Devient indiscret.
J’eus donc souci de moi-même
Dès que j’eus requis
D’amour la toute belle
Dont j’attends tel honneur.
En lieu d’un pareil trésor
Je ne voudrais Pise.
D’amitié elle m’écarte !
Mais j’ai confiance,
Car d’elle j’ai du moins conquis
La belle apparence.
Et j’en ai, en la quittant,
Tant d’aise en mon âme
Que le jour de la revoir
Serai sans tristesse.
Mon cœur est près d’Amour :
Donc l’esprit là-bas court,
Mais le corps ici, ailleurs,
Est loin d’elle, en France.
Je garde bonne espérance,
- Qui m’aide bien peu -
Car mon âme est balancée
Comme nef sur l’onde.
Du souci qui me déprime
Où m’abriterai-je ?
La nuit il m’agite et jette
Sur le bord du lit :
Je souffre plus d’amour
Que l’amoureux Tristan
Qui endura maints tourments
Pour Iseult la blonde.
Ah Dieu! que ne suis-je aronde
Pour traverser l’air,
Voler dans la nuit profonde
Jusqu’en sa demeure ?
Bonne dame si joyeuse,
Votre amant se meurt ;
Je crains que mon cœur se fonde
Si mon mal ne cesse…
Dame, je joins les mains,
Je prie : je vous adore.
Beau corps aux fraîches couleurs,
Bien cruel vous m’êtes !
Au monde il n’est rien à quoi
Mon esprit tant songe
- Si j’entends rien dire d’elle -
Que mon cœur ne tourne,
Que mon front ne s’en éclaire,
De quoi que je parle ;
Aussitôt vous penserez
Que je voudrais rire.
Si pur est mon amour,
Que maintes fois je pleure,
C’est pour moi les soupirs
Ont saveur meilleure.
Messager, va et cours,
Dis moi à la plus belle
Que je pâtis pour elle
Douleur et martyre.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_de_Ventadour
18:09 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : poésie, poème, poète, écriture, auteur, vers culture
Commentaires
Je ne connais pas du tout, mais son style d’écriture incite à mieux le connaitre !
Écrit par : DAN | mercredi, 17 mars 2021
MERCI POUR CETTE DECOUVERTE
Écrit par : laura | jeudi, 18 mars 2021
Merci pour ce poème qui abolit le temps, venu de si loin nous chanter les heurts éternels du cœur des hommes.
Bonne journée Elisabeth,
Pierre
Écrit par : Geontran | jeudi, 18 mars 2021
Dan : le style d'écriture a changé avec les siècles. Bonne soirée.
Laura : je découvre également, je puise dans plusieurs livres de poèmes divers. Bonne soirée.
Géontran : on peut en effet s'imaginer vivre au 12 ème siècle. Bonne soirée.
Écrit par : ELISABETH | jeudi, 18 mars 2021
Bonjour Elisabeth,
Comme c'est beau ce texte.
Merci pour le partage
Super beau weekend à toi
Bisous
Rohnny
Écrit par : Rohnny | vendredi, 19 mars 2021
Ce que je remarque c'est que le début du poème est gai et la fin est triste. Bon week end.
Écrit par : ELISABETH | vendredi, 19 mars 2021
Bonjour Elisabeth, je viens de découvrir ce blog et je me retrouve dans ma région : Lycée Bernard de Ventadour à Ussel, Michel Peyramaure, écrivain corrézien de Brive la Gaillarde dont le roman "L'orange de Noël" m'avait beaucoup plu. Merci pour le partage de ce beau poème, la présentation de ce livre, les belles photos de ce jardin fleuri et la définition du mot "cacou". Bonne fin d'après-midi
Écrit par : Victoria | vendredi, 19 mars 2021
un troubadour de langue d'oc
Écrit par : laura | samedi, 03 avril 2021
?
Écrit par : laura | samedi, 03 avril 2021
Laura : ton point d'interrogation est parti sans le vouloir, non ?
Écrit par : ELISABETH | samedi, 03 avril 2021
oui et non
Écrit par : laura | dimanche, 04 avril 2021
Bonjour Elisabeth. C'est un très joli poème écrit par un amoureux éperdu.
Écrit par : écureuil bleu | mardi, 06 avril 2021
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