samedi, 14 septembre 2019
BELLA (Jean Giraudoux)
BELLA est l'histoire de deux familles sous la 3ème République. Deux familles ennemies et puissantes que la politique oppose. Au milieu de ces familles, Bella et Philippe qui s'aiment et désirent se marier. Ce livre a été publié en 1926.
Extrait : La seule table vide était près de la nôtre. Bella eut une hésitation dans sa marche ; je sentais qu'elle se demandait si elle aurait le courage de se placer face à moi, pour m'éviter la vue de son beau-père. Mais Rebendart déjà s'installait, et je la voyais de dos. Elle était ployée, elle m'offrait le fermoir de son collier, le laçage de sa robe, le noeud de ses cheveux, les boutons de sa tunique, car elle aimait être boutonnée par-derrière, jamais par-devant ou par côté. Elle sentait mes regards sur elle, elle sentait que tous ses sentiments, toute sa résistance avaient leur fermoir derrière elle, j'avais sous les yeux tout ce qui pouvait la rendre nue et défaillante. Rien de plus lourd que le chagrin sur des épaules de femme ; cet affaissement de champion qui lève cent vingt kilos, l'idée de ma présence le provoquait sur Bella. Ah ! comme le record en poids de la mélancolie était battu ! Ah ! que les épinards renommés furent les bienvenus ! Elle se laissa aller dès qu'ils furent servis, elle se courba sur eux comme sur une prairie. Par-devant elle bavardait, elle riait, mais ses épaules et ses reins succombaient. Parfois d'une main qui semblait venir d'une amie elle tâtait le fermoir du collier, le premier bouton de la blouse, le peigne. Puis la main, sentant mon regard, disparaissait. On eût dit une main de voleuse, mais elle partait toujours vide. Que la peine est belle sur un être beau ! Bella était plus forte, plus épanouie que lorsqu'elle m'avait quitté. Notre rupture lui avait valu ce que cause aux autres femmes un enfant. Le souci avait arrondi ses épaules, donné à son dos ce beau volume, gonflé un peu ses bras, chassé les muscles de son cou, la renfermant toute dans une gaine. Jamais plus je n'étreindrais ce corps léger et remuant, il était cousu dans une peau plus charnue et veloutée. Je ne pourrais plus que le sentir se débattre au sein de cette autre femme, qui le retenait par une couture sans marque, que la main surgissant à nouveau semblait chercher. Elle était à peu près immobile. Elle savait que si elle s'inclinait d'un côté ou de l'autre, elle me dévoilait la tête de Rebendart...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Giraudoux
15:50 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : livre, auteur, écriture, roman, jean giraudoux, culture, littérature
Commentaires
Un maître du style !
Écrit par : ulysse | samedi, 14 septembre 2019
Ulysse : tu l'as lu ? J'ai eu du mal à quelques pages, j'ai failli abandonner la lecture. Mais j'arrive à la fin. Bon week end !
Écrit par : ELISABETH | samedi, 14 septembre 2019
J'aurais abandonné
Écrit par : laura | samedi, 14 septembre 2019
Bonsoir Elisabeth. Je ne sais pas si j'arriverais à le lire... Bonne soirée
Écrit par : écureuil bleu | samedi, 14 septembre 2019
Laura : je me suis demandé il y a quelques jours si j'allais le ranger ou le donner mais j'ai poursuivi, je verrai si j'arrive à le terminer. Sinon je commencerai un autre.
Ecureuil : j'ai trouvé ce livre dans un carton à la cave, je ne sais pas à qui il est (mon mari avant mon mariage ou une autre personne). En tout cas il n'est pas à mes enfants ni à moi. Bonne fin de journée.
Écrit par : ELISABETH | dimanche, 15 septembre 2019
je l'explique à mes 6 e et 5e que j'ai en cours cette année dans mon nouveau cdi(1/temps): laisser un livre
pour lire tous les autres
est un droit du lecteur(affiché au cdi, Daniel Pennac)
Écrit par : laura | dimanche, 22 septembre 2019
Laura : pour l'instant je continue la lecture... j'ai 2 autres livres qui m'attendent, je vais bientôt les commencer.
Écrit par : elisabeth | dimanche, 22 septembre 2019
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