mercredi, 09 mai 2007
PAUL
Paul n'avait pas eu de chance, il n'aurait pas dû venir au monde chez ces gens-là...
Des gens âpres, durs, que la pauvreté, subie de génération en génération, avait rendus bornés d'esprit et de sensibilité, comme rabougris et séchés dans leur condition.
Des gens, comme on disait par ici, qui n'avaient même pas un châtaignier à eux, qui louaient une pauvre ferme et des bâtiments avec quelques hectares, tout juste de quoi se nourrir. Des gens si repliés sur leur misère qu'ils en tiraient une sorte d'orgueil qui les isolait du reste du monde.Trimer du matin au soir était la règle de vie, la seule qu'ils connaissaient, qu'ils respectaient. Les choses étaient classées "utiles" ou "non utiles", c'est tout, et pour les bêtes et les humains c'était pareil, sans autre nuance.
La joie était une trivialité interdite, suspecte, et le plaisir incompatible avec le devoir de labeur. On n'était pas sur terre pour ça. Pas eux. Jamais. Il en avait toujours été ainsi pour les parents, les grands-parents, aussi loin qu'on pouvait remonter dans le temps, et il n'y avait pas de raison que ça change, sauf, si on se relâchait, à risquer de devenir des moins-que-rien, eux qui n'étaient déjà pas grand chose. Des gens qui mettaient leur point d'honneur à ne pas rêver, chez qui la méfiance était devenue un trait de caractère dominant, presque unique, qui annihilait, pour ainsi dire mangeait les autres sentiments.
(Anny Duperey - Allons voir plus loin, veux-tu ?)
23:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : Culture, écriture
Commentaires
Une misère des sentiments-
un autre temps et pourtant
ici aussi, et maintenant
un autre décor, d'autres gens
mais tout aussi troublant.
Merci Elisabeth pour ce passage
Bonne journée.
Écrit par : Ambroise | jeudi, 10 mai 2007
Très beau texte. J'ai deux livres d'Anny Dupperey, j'adore sa grande sensibilité. J'ai un très beau livre avec de magnifique photo (son père était photographe).
Écrit par : instants magiques | jeudi, 10 mai 2007
J'ai écrit un poème "Paul" et mon Paul à moi n'est pas né à la bonne époque....
Écrit par : Laura | jeudi, 10 mai 2007
Tres beau texte ,touchant et troublant malgre toute cette misère qu'il decrit
gros bisous elisabeth
Écrit par : estelle | jeudi, 10 mai 2007
J'aimerais que tous les enfants du monde aient la chance de naître dans un endroit qui leur offre le bonheur. Ce texte nous ramène à la dure réalité du monde.
Bon après-midi
Écrit par : Marie Bland | jeudi, 10 mai 2007
Bonnes vacances Elisabeth et bon jardinage.
Merci pour tes coms.
Bisous.
Écrit par : Laura | jeudi, 10 mai 2007
Marie Christine : oui c'est un roman ici, mais je pense que dans la vraie vie il doit exister des personnes comme Anny en parle dans son livre. Merci Marie Christine.
Ambroise : merci également pour tes jeux auxquels je participe activement.
Instants magiques : j'aime Anny depuis très longtemps et le drame qu'elle a vécu (ses parents sont décédés quand elle était toute petite) l'a certainement beaucoup marquée. J'ai lu ce livre et j'ai aimé.
Laura : il faudrait que tu republies ton poème sur Paul...
Estelle : très beau texte qui fait penser à la France profonde, comme on dit.
Marie Bland : oui la dure réalité de la vie est dans ce texte.
Écrit par : elisabeth | jeudi, 10 mai 2007
Elisabeth, ce poème est dans mes archives et consultable à tout moment...
Merci pour tes coms.
Bisous.
Écrit par : Laura | vendredi, 11 mai 2007
Voici le lien:http://lauravanel-coytte.hautetfort.com/archive/2006/10/03/mon-poeme-du-jour-inedit-sur-ce-blog.html#comments
Écrit par : Laura | vendredi, 11 mai 2007
hela oui il existe encore dans ce monde des histoires comme celles-ci
Écrit par : monette | vendredi, 11 mai 2007
Monette : je te crois, car tu es bien placée pour le savoir.
Merci pour tes commentaires.
Laura : merci également pour le lien et tes commentaires.
Écrit par : elisabeth | vendredi, 11 mai 2007
Bien écrit.... Paul est aussi le prénom de mon mari. Son père le battait quand il était petit, alors le petit Paul se sauvait dans le forêt en Sarre. Un jour, après avoir reçu du monde à manger, son père a lancé toutes les assiettes par la fenêtre (comme dans beaucoup d'anciennes maisons allemandes la salle à manger était au premier étage), pour qu'il y ait moins de vaisselle à faire. Paul habitait en Allemagne, mais il était français. A sa maison, il y avait le martinet, et dans la rue il y avait des gamins qui le traitaient de sale français, et quand il allait en vacances dans sa famille française, il était le cousin d'Allemagne. Bref, il n'avait pas de patrie, sauf la forêt où il se réfugiait, car il n'y avais même pas le loup.
Écrit par : domi_no | vendredi, 11 mai 2007
Les histoires du passé sont aussi celles du présent...
Merci Elisabeth pour ton intérêt et tes participations actives aux petits jeux entre nous.
Bien à toi et bonne nuit.
Écrit par : Ambroise | samedi, 12 mai 2007
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